Désertés,
Désolés,
Accablés,
Froids d'espoir, mais
Balafrés,
Balayés,
Laminés,
Fiers d'être traîtres à la nation.
Nous sommes les traîtres de la nation,
Ceci n'est pas notre guerre.
À notre joyeuse aliénation,
Qui broie nos voix dans ses serres.
L'aurore en ligne de mire,
Abeilles et enclumes pleuvent.
Promettent d'ores et déjà des veuves,
Reines de plomb d'un empire.
Ancrée dans cet angoissant effort,
Une main sublime qui m'effleure,
S'abandonne aux ravines carnivores,
Car les barbelés n'ont pas de cœur.
Et à ceux que l'espoir déshonore,
Qui vivent leur âme, en bandoulière,
On leur répond : « si tes potes crèvent,
C'est parce que dieu est mort ».
Loin des fleuves impassibles,
Traînent les enfants infidèles,
Chérubins de la patrie,
Tous fils et filles sous curatelle.
Pleure-t-on réellement si les larmes ne coulent pas ?
Lavera-t-on de nos gueules le conflit forcé, et, avec lui, notre innocence ?
Comme le papillon se voit figé,
La lumière venant l'épingler.
Les éclairs n'allument que du vide,
On se crève les yeux à chercher notre chemin.
À choisir ce qui tombe le plus,
La flotte ou les obus.
La pluie fait cascade, piquante d’aiguilles,
Nous transperce, nous cloue au sol.
Les voix montent de la fange,
Des bulles dans une flaque croupie.
Les frères barbotent, ils sont des mares saumâtres,
Mieux vaut ne pas tomber.
Lambeaux d'escouades sans boussole,
Perdus comme un arbre en automne.